Cette fiche a pour but de discuter et de vous faire connaitre les bases de la systématique, la science qui nomme nos plantes (nomenclature). Je présenterai que des exemples que l'on peut rencontrer chez nos plantes carnivores

Ceci devrait également vous permettre d'appréhender une liste de culture.
Le système binomial (genre espèce)
On utilise le système binomial de Linné pour désigner les noms des plantes et les organismes vivants de manière générale. Ils sont composés d'un nom de genre et d'un épithète, donnant au final le nom d'espèce, réputés latin ("latin de cuisine") : il n'y a donc jamais d'accent et s'écrivent de manière à les différencier du texte principal (comme tous les mots pris aux autres langues) : généralement, on les écrit en italique.
Egalement tous les différents rangs taxonomiques inférieurs sont exprimés en latin. Les abréviations ne s'écrivent pas en latin.
Je vous suggère également de lire l'innovation apportée par Foyout et le tutoriel associé que vous trouverez ICI : la fonction

Le premier mot du binome représente le genre. La première lettre du nom de genre est toujours une majuscule.
Lorsque vous avez cité une première fois le nom de genre dans le texte, vous pouvez le raccourcir par la suite en ne gardant que la première lettre du nom, toujours en masjucule, suivie d'un point.
Par commodité, on écrit souvent directement le nom de genre avec sa seule première lettre, lorsqu'on sait à qui l'on parle et qu'il ne pourra pas se méprendre. Plus rarement, avec les deux ou trois premières lettres si on abbrège plusieurs genres commençant avec les mêmes lettres: Ph. pour Philcoxia, Pi. pour Pinguicula.
Vient ensuite l'épithète qui lui, ne se réduit jamais à sa seule première lettre, sauf dans le cas où il n'est pas le dernier mot du nom complet, à condition de l'avoir déjà utilisé par avant.
Par exemple : Sarracenia purpurea, et en version résumée: S. purpurea.
Autre plante: Sarracenia purpurea subsp. venosa, et en version résumée: S. p. subsp. venosa
Vous pouvez ensuite rencontrer le rang taxonomique suivant, la sous-espèce. On précise le rang à l'aide de la contraction subsp. (=subspecies).
Par exemple : Sarracenia purpurea subsp. venosa
Vous pouvez ensuite rencontrer le rang taxonomique suivant, la variété. On précise le rang à l'aide de la contraction var. (=varietas).
Par exemple: Sarracenia purpurea subsp. venosa var. burkii
(note : cette plante est parfois appelée S. rosea).
Vous pouvez ensuite rencontrer le rang taxonomique suivant, la forme. On précise le rang à l'aide de la contraction f. (=forma).
Par exemple: Sarracenia purpurea subsp. venosa var. burkii f. luteola
(note : ce rang taxonomique semble ne plus être considéré comme un rang avec une valeur taxonomique désormais).
Sur le même concept:
Drosera binata var. multifida f. extrema
Nepenthes mirabilis var. echinostoma
Utricularia longifolia var. forgetiana
...
Les cultivars
Vous avez déjà pu voir ces noms-là:
Cephalotus folllicularis 'Hummer's Giant'
Darlingtonia californica 'Othello'
Dionaea muscipula 'Akai Ryu'
Drosera filiformis 'California Sunset'
Pinguicula 'Titan'
Sarracenia 'Adrian Slack'
Utricularia 'Jitka'
Ce sont généralement (je présente deux exceptions par la suite) des plantes dont l'expression de leur patrimoine génétique unique leur confère des caractéristiques souvent spectaculaires et extraordinaires (dans le sens "pas commun"), et qui ont été sélectionnées par l’homme pour ces raisons.
Cultivar vient de Cultivated Variety, en référence à la sélection d’origine humaine, et que l’on cultivera pour des intérêts humains (esthétique, rendement, autre…). Le terme de "sélectionnées" et non "créées" est utilisé, parce que ces plantes peuvent avoir une origine naturelle c'est-à-dire, une plante qui collectée in situ (par exemple, Sarracenia leucophylla 'Hurricane Creek White').
Généralement, les cultivars sont issus d'un semis, où le hasard du brassage génétique et des mutations les ont rendus visuellement très différents des autres semis (qui sont tous différents entre eux). De là, résulte donc un clone, unique. Cela peut être une espèce ou un hybride.
Ainsi, pour reproduire de telles plantes uniques, il faut les reproduire de manière végétative, c'est à dire, par bouture, division et toutes autres méthodes qui conservent le génome originel de la plante mère. Il vous faut cloner la plante.
En gros, si vous avez des graines d'un cultivar, vous ne pourrez pour la plupart jamais appeler sa descendance avec le même nom: des semis issus de D. muscipula 'Akai Ryu' ne pourront pas être appelés D. muscipula 'Akai Ryu', même s'ils sont tout rouge et non différentiables de la plante mère.
Si c’est une autopollinisation (soyez en sur, par exemple, avec un sac qui exclue tous les pollinisateurs potentiels qui emprisonne la hampe florale), vous pouvez appeler ces semis D. muscipula ‘Akai Ryu’ x ‘Akai Ryu’.
D'où l'importance d'un étiquetage rigoureux de nos collections.
Il existe bien évidemment des exceptions qui confirment la règle. Certains cultivars peuvent continuer à être appelés comme tel si jamais ils conservent dans leur descendance leur(s) caractéristique(s).
C'est le cas de Darlingtonia californica 'Othello' ou encore de S. leucophylla 'Schnell's Ghost'. La description de ces cultivars spécifie qu'ils peuvent être multipliés par graines tant que les critères sont conservés.
Qu'est-ce qu'un cultivar enregistré?
« Cultivar enregistré » : cela provient du fait que les "vrais" cultivars sont des cultivars reconnus officiellement, et qui ont été enregistrés (répertoriés) en étant publiés dans une revue (scientifique), ou ayant obtenus un certificat d'obtention végétale.
Vous pouvez trouver la liste de ces cultivars officiels: ICI
Observez l'utilisation des guillemets anglais ', ainsi que des majuscules. Ceux-ci permettent de préciser que la plante est un cultivar reconnu officiellement.
D'autres plantes méritantes (ou pas) sont diffusées en culture. Parfois, et je partage cette pratique, ces plantes sont appellées des clones, c'est-à-dire des plantes uniques à reproduire de manière végétative, mais non enregistrées. Il en existe une grande armée, aussi, je vous recommande la plus grande prudence et rigueur si vous souhaitez lui donner une appellation lorsque vous en parlez ou que vous la prenez en photo.
Théoriquement, il serait rigoureux d'encadrer son pseudonyme avec des guillemets français ".
Exemples:
D. muscipula 'Akai Ryu'
D. muscipula "Spotty"
Plus d'infos sur la procédure pour enregistrer un cultivar:
http://www.carnivorousplants.org/cultiv ... rsmain.php
http://www.carnivorousplants.org/cultivars/register.php
N'oubliez pas que la taxonomie, il y a toujours de vastes débats. Notre obsession de vouloir mettre la nature dans des petites boites est souvent mise à mal. Cependant, certaines règles sont très rigoureuses, et il faut au moins savoir qu'elles existent.
N'oubliez pas de toujours garder une trace de son origine: la traçabilité devrait théoriquement toujours permettre de remonter de cultivateur en cultivateur jusqu'au vendeur originel de la plante, et ainsi s'assurer de "l'exactitude de la plante achetée."
Une plante originale
Vous semez ou vous achetez une nouvelle plante, et celle-ci s’avère être très bizarre. Vous n'avez jamais vu ça, elle possède quelque chose (ou ne le possède pas) que les autres n'ont pas. Prenons un exemple : une dionée avec une urne au bout de chaque feuille. Un clone de dionée à urne.
Il peut être alors intéressant de la surveiller dans votre pot et de suivre son évolution:
Est-ce qu'elle fait toujours des urnes sur les feuilles toute l'année? Est-ce qu'elle va continuer de les faire pendant 2-3 ans? Est ce que le caractère est établi, ou est ce que c'est juste quelque chose de passager, en raison d'un stress (mauvaises conditions de culture, pesticides de jardinerie, déformations passagères/mutations somatiques,...).
Surveillez donc votre plante. Mais faites toujours attention avec vos étiquettes. Dans l'exemple choisi, cela serait réellement une plante très remarquable. Parfois, cela ne l'est clairement pas.
Croisement (fécondation croisée)
Croisement interspécifique ou hybridation:
On parle d'hybridation lorsque l'on obtient des graines à partir de deux espèces distinctes (le père et la mère appartiennent à deux espèces différentes).
On écrit les deux espèces séparées par un x (symbole multiplié). Si l'on ne connait pas la mère de l'hybride, on écrit les deux noms dans l'ordre alphabétique.
On écrit par exemple S. flava x S. purpurea.
Si l'on sait que S. purpurea est la mère de l'hybride, on place alors son nom en premier dans la formule, de cette manière:
S. purpurea x S. flava.
Parfois, ces hybrides ont reçu une description latine. C'est le cas de mon exemple, qui s'appelle Sarracenia × catesbaei.
Ceci n'est valable que pour les hybrides naturels, en déposant une part d'herbier avec un échantillon provenant d'un site naturel. S. x catesbaei Elliot en fait partie. Mais par exemple S. x moorei Hort. Moore ex Mast. a pour type un échantillon issu de culture (en Irlande), d'où le "Hort." dans le nom d'auteur, bien que l'hybride puisse exister dans la nature.
Croisement intraspécifique:
On parle de croisement intraspécifique lorsque qu'on obtient des graines à partir de deux parents de la même espèce, mais de sous-espèces, de variétés ou de formes différentes.
Plus généralement, un croisement est obtenu lorsque l'on croise deux plantes génétiquement différenciées. Une hybridation est donc un croisement interspécifique (entre deux espèces).
Le croisement S. purpurea subsp. purpurea x S. purpurea subsp. venosa n'est pas un hybride, mais bien un S. purpurea. Si vous rencontrez ce cas, préférez mettre la formule entière

Pour une rigueur aboutie, rendez-vous ici: International Code of Botanical Nomenclature
Numéros sur une liste de culture
Vous avez peut-être déjà aperçu des numéros dans des listes de culture, qu'ils soient placés au début des lignes ou dans la ligne.
Par exemple:
F60 - S. flava var. ornata with dipping lid, Cooks CPs - Apalachicola, FL. (F87,MK/FL46 RVL)
Ces numéros sont juste des références par rapport à la liste de culture de chaque collectionneur.
Cela permet par exemple de n'avoir qu'un numéro à écrire sur l'étiquette dans votre pot, et non pas à écrire toutes les informations liées à la plante.
Vous allez comprendre aisément le gain de temps et d'espace

Imaginons que cette ligne provient de ma propre liste de culture, j'y expliquerais que:
- Cette plante est la référence F60 de ma liste
Genre Sarracenia
Espèce flava
Variété ornata
Description informelle
Origine d'un des premiers vendeurs de la plante
Localité de la plante
Etat (Floride)
Référence F87 sur la liste de Mike King
Référence FL46 sur la liste de Rogier van Loenen
Cela permet de conserver la traçabilité de la plante, en indiquant à qui elle appartenait précédemment. Certaines références sont plus connues que les autres parmi les amateurs, associées à des clones très appréciés.
En espérant que cela vous sera utile

Amis taxonomistes et systématiciens, n'hésitez pas à venir corriger mes dires !
EDIT : Merci Aymeric
